Niché au coeur du Queens à New York, le musée Noguchi présentait du 28 février 2018 au 14 avril 2019 l’exposition Akari Unfolded. Cet évènement créé conjointement par Dakin Hart, le conservateur du musée, et Valérie Maltaverne du studio YMER&MALTA s’est construit comme un hommage lumineux à l’artiste et designer Isamu Noguchi.
En 2016, le parallèle fut soudainement mis en lumière. Dakin Hart et Valérie Maltaverne observaient lors d’une visite du musée Noguchi la parenté d’une démarche unissant l’artiste japonais et la directrice du studio français.
Isamu Noguchi (1904 – 1988) aima tant les techniques et les matériaux de son archipel natal qu’il les bouscula pour ne pas littéralement les voir s’éteindre. Dans les années 1950, sa collection Akari entendait ainsi protéger de la menace électrique une tradition séculaire et délicate, quotidienne et fragile. Les lanternes japonaises faites de bambou et de washi maintenaient en un équilibre précaire l’ombre à bonne distance de la lumière, la flamme à bonne distance de la feuille de papier. Un seul vacillement de l’atmosphère pouvait dangereusement menacer cette émanation nocturne de l’akari, la lumière naturelle. Il avait seulement suffit à Noguchi d’adapter à l’électricité les chochin autrefois éclairées à la bougie pour que leur simplicité poétique conquiert un monde avide de découverte et de confort moderne.
Aujourd’hui, le studio YMER&MALTA ne procède pas autrement. En empruntant aussi bien les chemins de l’artisanat que ceux de l’industrie, Valérie Maltaverne parvient à créer une alchimie précipitant les savoir-faire français dans des champs jusqu’alors inconnus ou intimidant. Le parallèle entre les méthodes de Noguchi et celles du studio pouvait donc aussi bien prendre la forme d’une mise en abyme.
Durant deux années, le travail de Noguchi allait devenir l’artisanat traditionnel de référence qu’YMER&MALTA entendait réinterpréter, avec ses propres méthodes et ses propres idées. Alors que le conservateur et la directrice du studio s’accordaient en 2016 sur un ensemble de cinq pièces inspirées du travail de Noguchi, l’œuvre dépliée du Japonais s’apprêtait à exiger davantage que les limites imposées.
Isamu Noguchi : la lumière sculptée
Interroger la sculpture c’est interroger la matière. Pourtant, l’œuvre de Noguchi présage de la lumière comme essence même de la matière ; un oxymore défiant la main aussi bien que l’esprit. Partant de cette considération, YMER&MALTA entreprend une réflexion et de nombreuses recherches sur les formes et les matériaux capables d’incarner la lumière. Les prototypes, les maquettes et les expérimentations impliquent bientôt cinq designers et plus d’une vingtaine d’artisans coordonnés par Valérie Maltaverne. Ce ne sont finalement pas cinq luminaires qui voient le jour mais bien vingt-six.
Pour parvenir à une lecture fine et respectueuse de l’héritage de Noguchi, pour faire se rencontrer les savoir-faire français et la culture japonaise, YMER&MALTA a poussé techniques et matériaux vers l’innovation. Ce sont le métal, le papier, le lin, le biscuit de porcelaine, le Plexiglas, la résine et le béton qui ont finalement épousé de nouvelles formes d’expression, passant d’un état incomplet à l’adaptation parfaite à un dessin, un volume ou un problème donné.
« Tout ce que produit YMER&MALTA est l’expression de sa détermination à synthétiser l’ancien et le nouveau, en innovant à partir des valeurs de chacune des traditions artisanales qu’elle aborde. »
Dakin Hart, conservateur du musée Noguchi
Chaque facette d’Isamu Noguchi semblait devoir se matérialiser : les Galets comme un hommage à ses talents de sculpteur et paysagiste, les déclinaisons de Poise et de edaLight comme se déclinent les lanternes chochin ou encore, pour Belle de jour, l’exploration végétale du lin français, comme un clin d’oeil à celle, japonaise, du bambou et de l’écorce de mûrier.
« C’est comme si Noguchi avait accès aux matériaux et aux technologies d’aujourd’hui.»
Dakin Hart, conservateur du musée Noguchi
Modeler un bloc de lumière pure, comme le fait la lune 月 lorsqu’elle réfléchit la lumière du soleil 日, a finalement abouti à l’écriture matérielle et abstraite des kanji formant le caractère akari 明.
Ainsi, Light Fragments sculpte la lumière glissant de l’une à l’autre de ses émanations, depuis son éclat aveuglant et solaire vers la pâleur de son reflet lunaire. La tige noire luminescente trace une ligne d’horizon entre aurore et crépuscule et évoque les piètements des lampes en papier washi de la collection originelle de Noguchi.
L’exposition Akari Unfolded, initialement prévue pour une année, s’étira finalement sur un an et demi. L’osmose entre Isamu Noguchi et YMER&MALTA, entre le XXe et le XXIe siècle s’exprima dans le calme contemplatif du musée, les pièces exposées modulant leurs effets au fil des lumières changeantes de la journée.
Les créations du studio ont été acquises par le le CNAP (Centre National des Arts Plastiques), comme la consécration de l’héritage du Japonais et de son influence sur les designers contemporains ayant travaillé à cette collection : Sebastian Bergne, Océane Delain, Benjamin Graindorge, nendo et Sylvain Rieu-Piquet.