L’urgence environnementale rebat les cartes de la globalisation massive, in fine néfaste pour la nature humaine et ce qui fait sa singularité : son geste acquis, le temps nécessaire à sa perfection et la poursuite de l’innovation.
Slow Made : lame de fond d’une révolution naturelle
En une dizaine d’années, ce mouvement d’abord discret s’est érigé comme une évidence. L’analogie avec ce qu’il revendique achève sa démonstration parfaite : comme un artisan peaufine chaque jour ses gestes pour atteindre la parfaite maîtrise de son art, le Slow Made a usé du temps de la même manière. Après une pandémie alertant sur les dangers d’une globalisation qui s’affranchit de l’échelle humaine, qui repousse sans mesure les limites du temps et de l’espace, une volonté de freiner ces systèmes déraisonnables s’est faite jour.
Or, si le retour à une échelle humaine est indispensable, il faut définir ce qui caractérise l’humain et ce qui singularise son action, son mouvement dans le monde, dans son environnement.
La globalisation donne une première réponse à ces questions : la fabrication d’objets et leurs échanges sont aussi bien le problème que la solution. En prélevant des matières premières sans se soucier de leur finitude, en préférant l’accumulation maladive à l’acquisition raisonnée, en investissant dans l’éphémère médiocre plutôt que dans le pérenne qualitatif, nos sociétés post- industrielles ont considéré remarquable une production jetable et interchangeable, précisément quelconque.
Prenant le parti pris inverse, le Slow Made revendique un désengagement de « l’obsolescence programmée du XXe siècle [pour] promouvoir la pérennité programmée ». Au cœur de cette démarche se démarque l’exigence d’une fabrication entreprise « avec le temps nécessaire ». Dans son Manifeste, Marc Bayard, chef de la mission développement scientifique et culturel au Mobilier national, historien de l’art, commissaire d’exposition et essayiste, définit un nouveau paradigme :
« Le Slow Made n’est pas l’éloge de la lenteur mais la valorisation d’un déroulement qui, s’il est négligé, ne permet pas d’aboutir à une fabrication dans les règles de l’art. Ainsi, penser le temps créatif dans la durée constitue en soi un acte culturel de grande portée. »
In #Slowmade, Manifeste du geste humain. Éditions Les Influences, 2022
Six valeurs définissent et cernent les contours de cette forme de production :
• La recherche : le temps de l’apprentissage, de la conception et de la réflexion, de l’expérimentation et de la réalisation, du dialogue et de l’échange.
• Le geste : une fabrication qui maîtrise le savoir-faire. Une connaissance du geste hérité ou innovant.
• La pratique : liée à la transition écologique, à l’éthique du respect humain, à des matériaux et des outils traditionnels ou innovants.
• La transmission : un engagement à transmettre les valeurs attachées à la culture du temps et du savoir-faire.
• L’appropriation : l’acquéreur devient un acteur responsable, informé et averti, porteur lui-même de valeurs à partager et à transmettre.
• Le prix juste : l’objet Slow Made est vendu selon un prix juste qui prend en compte le temps du développement et de la fabrication.
Six valeurs cardinales qui sont, depuis 2009, l’essence même du travail de Valérie Maltaverne, à la tête du studio YMER&MALTA. Faisant suite au Manifeste Slow Made, et pour initier un trimestriel éponyme, c’est elle qui fait la une du tout premier numéro, consacrée comme « authentique artiste Slow Made ».
Slow Made : lame de fond d’une révolution naturelle
Des musées et institutions en France et à l’étranger, comme le Mobilier national, la Cité Internationale de la Tapisserie ou encore le Musée Noguchi, ont reconnu en elle, une « figure contemporaine majeure du mobilier et des arts décoratifs français ». Valérie Maltaverne signe avec YMER&MALTA des pièces de haute technicité artisanale, magnifiant le geste et son temps nécessaire, renouant avec ce qui fit longtemps la valeur des choses, « un ensemble d’éléments constitués par le savoir-faire, les matériaux et le temps. »
Ce savoir-faire français, patrimonial, Valérie Maltaverne le pousse dans ses retranchements pour faire éclore de nouveaux gestes, de nouvelles manières. Pleinement consciente de l’abondante richesse créative lovée dans la maîtrise de gestes anciens et répétés, elle considère comme Marc Bayard que « le passé d’un geste, d’abord héritage d’une connaissance et d’une pratique, mais également résultat d’une accumulation subjective, est la conséquence d’une transmission : le savoir-faire est un patrimoine. Il se manifeste ensuite dans le présent de la création contemporaine. »
Ainsi prend forme ce qui n’aurait pu advenir sans cette conviction chevillée au corps, sans cette prescience du potentiel créateur intarissable du geste humain. Le bloc de marbre se fait aussi léger qu’une plume, le cuir s’étire sur des longueurs inédites, le lin se transforme en matériau composite. Mais cela ne va pas sans difficulté. Le temps est le facteur clef de pareilles entreprises. Car il faut penser différemment des gestes immémoriaux, regarder sous un nouvel angle un matériau, essayer, échouer, recommencer, jusqu’au résultat parfait.
Ce modèle ne rentre dans aucune case de la consommation de masse. Les objets ne sont ni interchangeables ni produits rapidement. Ils ne répondent pas à une mode capricieuse mais recherchent l’intemporalité. C’est un choix assumé, revendiqué, que Marc Bayard synthétise dans son Manifeste :
« La ressource immatérielle du temps, prenant la forme des mémoires enfouies, de la recherche et de l’expérimentation, constitue le vecteur d’investissement de l’avenir. »
Il s’agit bien d’investissement. Car ces objets ont un coût : un coût environnemental, humain, social et patrimonial bénéfique. Les créations d’YMER&MALTA sont une invitation à reconsidérer notre rapport aux objets, à sortir de la profusion comme marqueur social pour lui préférer la rareté, la pièce sur-mesure, attentive à la valeur d’un patrimoine humain, à la préservation des ressources naturelles.
« Dans une perspective de distinction par l’achat, la fabrication d’un objet issu d’un savoir-faire et demandant du temps positionne le consommateur d’une autre manière. Le statut de l’article élaboré selon des processus faisant appel au temps et au geste précis change la nature de la fabrication et de la consommation. »
À bas bruit, Valérie Maltaverne créé avec YMER&MALTA, la quintessence d’un chez-soi tissé de Quiet Luxury : discrètement luxueux et luxueusement ouvragé.